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À propos
/ 01
/ Manifeste



Failles Photo argentique-copyright Thomas Coucq

Déclencher ; inscrire un instant au cœur de son histoire. Une boîte noire en main, quelques fractions de secondes pour capter l’invisible.

Une photo n’est pas intéressante pour ce qu’elle montre mais précisément pour ce que la lumière y inscrit en faux, pour ce qu’elle suggère par soustraction. L’absence, la fantasmagorie, lorsqu’elle habite l’image crée une certaine étrangeté, un léger déséquilibre. Elle ouvre alors une porte vers le magique, l’irrationnel dans lequel s’enracinent nos histoires secrètes.

Nous portons en chacun de nous un récit que nous faisons nôtre, que nous pétrissons et modelons à l’aune de notre subjectivité. Nous tissons nos vies de fils invisibles. Encore et encore. Photographier ne consiste pas à capturer le présent mais plutôt à chasser cette fugace et insaisissable intuition, celle qu’autre chose existe, qu’une histoire intime mais universelle peut être racontée si l’on cède à cette pulsion ; une légère pression d’un doigt. Il s’agit d’un acte d’abandon, d’une offrande aux dieux et aux faunes qui jadis faisaient chanter les ruisseaux et polissaient la pierre à l’ombre d’un soleil noir. Un rappel du goût du sang qui, sur notre langue, réveille nos instincts et nos peurs enfouies. Un retour à notre animalité, à un monde sensible, que l’on ne peut ni palper, ni quantifier, que l’on ne peut qu’effleurer et rêver du bout des yeux.

Ces fantasmagories tentent de mettre au jour une intuition, celle d’une lutte quotidienne contre cette quête de rationalité, qui cadre nos vies, nous coupe de nos instincts. Renouer avec notre être intime… Apprendre à voir au-delà du sens des mots et des concepts que nous déposons tels des voiles sur mille choses invisibles pour qu’ils en épousent la forme et que nous puissions dire aisément : cet objet est une boule, celui-ci un carré petit mais aux angles bien pointus, celui-là a une forme oblongue et semble briller. Peu importe les faits objectifs que mettent en scène ces images, les fictions qu’elles véhiculent sont autant de vérités essentielles. Elles portent en elles mille réalités poétiques, et autant de graines à faire germer. Ces images tentent d’excaver ces vérités oniriques, ces fantasmagories. Et de permettre ce faisant d’entrer en résonance, de faire chanter, tintinnabuler doucement les fils sur lesquelles reposent nos vies endormies.

/ 02
/ Biographie



Thomas Coucq est photographe, tireur, et musicien bruxellois.

Il découvre la photographie à 18 ans. Il la pratique d’abord en amateur et expérimente le tirage argentique avec voracité. Il se tourne ensuite vers le journalisme qui lui permettra d’aiguiser son œil dans un cadre professionnel.

En parallèle, il suit un cursus en photographie argentique au sein de l’école des arts d’Ixelles. Il y développe un vocabulaire et un style propre marqué par une approche néo-pictorialiste. Il travaille la lumière comme une matière noire et dense qu’il pétrit pour en extraire toute la force expressive. Son attrait pour la littérature et la poésie le porte également à mêler ses propres mots à ses images et à se rapprocher d’une certaine forme de réalisme magique, à guetter la poiêsis lorsqu’elle surgit et bouscule le réel.

De retour à une approche purement plastique depuis quelques années, il se consacre entièrement à l’argentique, et tire lui-même ses images en chambre noire. Il s’intéresse en particulier au domaine du rêve, à la délicate frontière qui existe entre nos réalités tangibles et sensibles et s’emploie à capturer les fragiles fragments du monde onirique qui transparaissent dans notre quotidien.

Les images qui en découlent racontent ces histoires à travers de forts contrastes et des noirs envoutants et tour à tour brutaux ou délicats, résultats d’un parti-pris assumé. Elles sont sans artifices numériques, comme un retour à une sobriété qui tente de replacer la recherche d’une certaine vérité vibrante au centre de nos vies.



guetter la poiêsis lorsqu’elle surgit et bouscule le réel



/ 03
/ Le choix de l’argentique



Ce choix du tout-à-l’argentique est aussi une façon de replacer le corps et l’instinct au centre de l’acte créatif

« J’ai fait le choix de ne photographier que sur pellicule et de tirer mes images en chambre noire sous l’agrandisseur. »

« Pas de pixels, pas d’écran. Sculpter la lumière, l’inscrire dans les grains d’argent sur le négatif puis sur le papier dans la quiétude de la chambre noire me permet d’instiller un tempo plus lent à mon travail, proche parfois même de l’introspection. Je peux dès lors plonger dans mes images, les laisser m’habiter, grandir en moi jusqu’à ce qu’elles éclosent sous leur forme finale. »

« Ce choix du « tout-à-l’argentique » est aussi une façon de replacer le corps et l’instinct au centre de l’acte créatif. Certains gestes sont accomplis comme des rituels, d’autres naissent d’une intuition qui plonge ses racines profondément en nous. Être attentif à ces incursions du magique lors de la création, suivre son intuition et se laisser submerger, se laisser balayer par ses émotions et n’intervenir que sur des supports physiques ensuite tout au long de la gestation des images me permet de conserver une certaine forme de naïveté, de primalité, qui sert une écriture sans artifices, qui ne cède pas aux tendances et est empreinte – je l’espère – d’une certaine virtuosité sobre. »

Thomas Coucq



*photos d’illustrations ©Thomas Couq ©Jesus Santos ©S2 ©Vladimir Fedotov

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